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LE RÔLE DES ÉTIQUETTES DE PLOMB DANS LE TRAVAIL DU TEXTILE À SISCIA Ivan Radman-Livaja* L tions, suite aux cassures du premier ou du second trou). Ces trous étaient sans doute destinés au passage d’une corde ou d’un fil en métal, servant à relier la plaquette à la marchandise.2 Elles portent toutes au moins une inscription incisée, mais sont généralement inscrites des deux côtés en majuscule cursive (capitalis cursiva ou selon J. Malon, l’écriture commune classique) voire aussi en capitale.3 Les palimpsestes ne sont d’ailleurs pas rares puisque de nombreuses étiquettes ont été réutilisées à plusieurs reprises et portent de ce fait plusieurs inscriptions, l’inscription la plus récente effaçant en grande partie l’inscription antérieure. Pour cette raison, surtout dans les cas où il y a plus de deux inscriptions, la lecture est loin d’être facile. Les indications sur les étiquettes sont variées mais il est habituellement question du nom du produit, le plus souvent sous forme abrégée, de la quantité ou du poids, parfois aussi du travail ou de la tâche qui avait fait l’objet de la note ainsi que du prix. Très souvent, des noms personnels sont aussi indiqués sur ces étiquettes mais définir le rôle exact de ces individus n’est pas forcement évident: il pourrait s’agir, selon les cas, des clients mais aussi des patrons d’ateliers ou de manufactures, des propriétaires de la mar- collection romaine du Musée Archéologique de Zagreb contient près de 1200 étiquettes de plomb inscrites. Bien que rien que leur nombre soit impressionnant, l’importance de cette collection est d’autant plus grande si l’on prend en compte que tous ces plombs proviennent du même site, la ville de Sisak, l’antique Siscia, une des plus grandes agglomérations romaines de la région et le plus important centre urbain et industriel du sud-ouest de la Pannonie.1 Une partie de ces objets a été offerte au Musée par des particuliers, mais la découverte de la plus grande partie est due aux grands travaux de dragage de la rivière Kupa entrepris avant la première guerre mondiale dans la ville de Sisak pour faciliter le passage des bateaux à vapeur. Depuis, tous ces plombs ont été inventoriés et certains conservateurs du Musée Archéologique, notamment Josip Bruns̀´mid, avaient entrepris de les retranscrire et interpréter, mais malheureusement cette tâche ne fut jamais menée jusqu’au bout.1 bis Ces objets sont des plaquettes rectangulaires, d’une taille qui ne varie que peu, généralement longues de 30 à 40 mm et larges de 15 à 25 mm, toujours munies d’un trou circulaire (avec quelques exceptions possédant deux, voire même trois perforaA * Curator in the Greek and Roman Department of the Archaeological Museum of Zagreb. 1 bis Pour la ville de Siscia cf. S̀´ as̀´el 1974, 702-741; Hoti 1992, 133-163; Lolic̀´ 2003, 131-152. 1 Si cette collection reste encore largement inédite, elle n’est pas inconnue dans les cercles scientifiques, cf. Bruns̀´mid 1901, 124-125; Mócsy 1956, 97-104; S̀´ as̀´el 1974, 729; Fitz 1980, 325; Frei-Stolba 1984, 134-135; Römer-Martijnse 1990, 232-233; Hoti 1992, 144; Feugère 1993, 304; Schwinden 1993, 216; Paci 1995, 33; Bassi 1996, 207, 216; Römer-Martijnse 1996-1997, 5; Kos̀´ c̀´ević 2000, 96; Bizzarini 2005, 124; Lovenjak 2005, 43; Radman-Livaja 2007, 153-159. 2 Les restes d’un fil de fer sont d’ailleurs toujours présents dans la perforation d’une étiquette d’Oberwinterthur, Frei-Stolba 1984, 133, Nr. 15. 3 Cagnat 1914, 6-11; Mallon 1952, 17-73; Cencetti 1954, 63-66; Bowman et Thomas 1983, 51-71; Marichal 1988, 21-56; Tomlin 1988, 84-93; Bischoff 1993, 62-72; Speidel 1996, 31-34. PURPUREAE VESTES. III Symposium Internacional sobre Textiles y Tintes del Mediterráneo en el mundo antiguo (C. Alfaro, J.-P. Brun, Ph. Borgard, R. Pierobon Benoit, eds.), pp. 181-196. 181 182 chandise voire même des ouvriers et des esclaves chargés de s’en occuper.4 Les inscriptions suivent généralement le même modèle: d’un côté se trouvent des noms personnels, aussi bien des duo nomina (beaucoup plus rarement des tria nomina) que des noms uniques, souvent avec une filiation. Vu les dénominations, il est vraisemblable que ces inscriptions mentionnent aussi bien des citoyens que des pérégrins, voire même dans quelques cas des esclaves. Il est intéressant de noter qu’il n’y pas de disproportion importante entre les hommes et les femmes parmi près de 900 individus dont les noms se trouvent sur les étiquettes. Les individus du sexe masculin sont plus nombreux mais les femmes sont tout de même attestées sur plus de 40% des étiquettes portant des noms personnels. Sur l’autre face se trouve en principe la mention de la marchandise, le plus souvent sous forme abrégée ainsi que le prix et parfois aussi une indication de quantité ou de poids. L’indication du prix dans les inscriptions est un argument majeur pour considérer ces plaquettes de plomb comme des étiquettes commerciales. Ces prix exprimant la valeur de la marchandise ou le coût de l’opération étaient sans aucun doute une des informations essentielles apparaissant dans les inscriptions puisqu’on retrouve l’indication du prix sur la grande majorité des étiquettes. En effet, 81% des inscriptions indiquent le prix et dans seulement 13% des cas aucun prix n’est indiqué. Les 6% qui restent concernent principalement trois catégories d’étiquettes: tout d’abord celles dont les inscriptions sont tellement raturées et illisibles qu’il est impossible de se prononcer avec certitude sur l’existence ou l’absence d’un prix dans le texte ainsi que quelques inscriptions où il n’est pas aisé de déterminer si un X représente le chiffre 10 ou le signe abréviatif du denier et finalement les étiquettes fragmentaires, dont les inscriptions auraient éventuellement pu contenir une indication de prix. Tous les prix, peut-être à une seule exception, sont exprimés en deniers ou en fractions de deniers. Il faut remarquer qu’ils sont généralement relativement peu élevés puisque dans plus de 80% des cas le prix ne dépasse pas 4 deniers (d’ailleurs, dans près de 60% de cas, le prix est inferieur à 2 deniers). Bien que l’écriture des noms personnels soit souvent négligée et contienne de nombreuses omissions, fautes d’orthographe ou singularités paléographiques, la lecture des noms présente habituellement nettement moins de difficultés que l’interprétation des abréviations désignant différentes marchandises. Ivan Radman-Livaja Heureusement, les termes apparaissant sur les étiquettes ne sont pas toujours abrégés ce qui facilite l’interprétation de nombreuses abréviations. Vu le thème de ce colloque, je me limiterai à la présentation d’un seul aspect de l’étude des étiquettes de Siscia, c’est à dire au rôle qu’elles auraient pu jouer dans l’industrie textile et plus particulièrement dans le foulage et la teinture des étoffes et des vêtements. En effet, bien que la multitude d’abréviations différentes sur ces étiquettes puisse indiquer toutes sortes d’activités commerciales et industrielles, il fait peu de doute que la majeure partie de ces plombs inscrits avait un rapport avec le commerce de la laine et l’industrie textile. Des mots comme LANA, PAN(N)UM, TVNICA, SAGVM, P(A)ENVLA, PAL(L)A, PALLIOLUM, LODIX, BANATA et ABOLLA apparaissent plus ou moins régulièrement sans être abrégés et de ce fait l’interprétation des abréviations couramment attestés sur les étiquettes comme par exemple L, LA, LAN, PAN, T, SAG, PAENV, PAL, LO, LOD, LODI, BANA et AB ne pose pas vraiment de difficultés. Ces termes, abrégés ou non, n’apparaissent seuls que très rarement car ils sont généralement suivis par d’autres abréviations. Si la première série d’abréviations désigne très vraisemblablement la laine, des étoffes ainsi que différents types de vêtements, l’interprétation de la seconde série d’abréviations paraît moins aisée au premier coup d’œil mais en y réfléchissant un peu, il faut bien admettre que les possibilités ne peuvent pas être si nombreuses que cela. En ce qui concerne les vêtements et les étoffes, aussi bien les clients que les vendeurs doivent absolument connaître quelques informations essentielles: le type exact du produit et son prix, bien évidemment, mais aussi ses dimensions et sa couleur. C’est justement à ce dernier point que semble se rapporter la seconde série d’abréviations, d’autant plus que certains termes de couleur apparaissent occasionnellement sans être abrégés. Les exemples ne manquent pas sur les étiquettes de Siscia. L’inscription sur l’étiquette inv. 12952 ne pose aucune difficulté de lecture (Fig. 1, 1): droit DONATA PANVM IIMATINUM revers XIIII Donata pan(n)um (ha)ematinum denarios quattuor5 4 Pour les définitions de ce type d’étiquettes cf. Frei-Stolba 1984, 127; Römer-Martijnse 1990, 9-10; Paci 1995, 31-32; Bizzarini 2005, 121-125 ; Reuter et Scholz 2004, 55. 5 La valeur était probablement exprimée à l’accusatif, cf. Adams 1995, 116; Bowman et Thomas 2003, 15-16 et les tablettes correspondantes. Le rôle des étiquettes de plomb dans le travail du textile à Siscia Fig. 1. Dessein de quelques des étiquèts. 183 184 Ivan Radman-Livaja droit AFRI NVS SILIN DI PAN NVM revers AIIMA XI Afrinus Silindi pannum (h)aema(tinum) denarium unum L’inscription mentionne un individu, Afrinus9 Silindi, dont la dénomination bi-membre, idionyme suivi du patronyme, indique clairement un statut pérégrin. Il semblerait que le niveau d’orthographe de l’auteur de cette inscription ait été supérieur à celui de l’auteur de l’inscription précédente car le mot pannum est correctement écrit et bien que l’adjectif (h)aema(tinum) soit abrégé, il a bien noté la diphtongue ae en omettant néanmoins le h. Il est intéressant de remarquer que le prix pour le même produit est nettement inferieur à celui de l’inscription précédente puisqu’une étoffe rouge ne coûte ici qu’un denier. L’adjectif haematinus apparait aussi sur quelques autres étiquettes abrégé sous une forme qui ne laisse pas planer le doute quant à la signification du mot mais il existe une abréviation couramment attestée sur les étiquettes de Siscia dont l’interprétation est peut-être plus ambigüe mais qui, du moins à mon avis, devrait vraisemblablement se rapporter à ce terme de couleur. Il s’agit de l’abreviation IIM (EM). Voici juste quelques exemples: L’étiquette inv. 12091 (Fig. 1, 3): 10 Fig. 2 (anvers et revers). Voir aussi Fig. 1, 2. Le nom unique d’une femme, Donata,6 est suivi par la désignation de la marchandise qui n’est pas abrégée tandis qu’un prix de 4 deniers se trouve sur l’autre face. Bien que ce soit un bon exemple d’orthographe vulgaire, la signification du syntagme pan(n)um7 (ha)ematinum est claire, il s’agit d’une étoffe de couleur rouge sang. L’adjectif haematinus est un terme de couleur emprunté au grec mais couramment employé dans la langue latine.8 On retrouve le même produit sur une autre étiquette dont l’inscription n’est que partiellement abrégée (inv. 12455) (Fig. 1, 2; 2a et b): droit TVNI CA IIM I P VII revers CADIDA XVII tunica (ha)em(atina) una (libra) p(ondo) septem Ca(n)dida denarios septem Il semblerait que le produit en question soit une tunique rouge, tvnica11 (ha)em(atina) una, mais le poids, (libra) p(ondo) VII ou 7 livres semble un peu 6 Donatus est un nom largement répandu, notamment en Italie et en Afrique, mais il est aussi assez courant dans un grand nombre de provinces, y compris en Pannonie, cf. TLL, Vol. Onom. 3, 229-235, s.v. Donatus; Mócsy 1959, 172; Kajanto 1965, 18, 20, 75, 76, 93, 298, 351; Alföldy 1969, 190; Ben Abdallah et Ladjimi Sebai 1983, 29, s.v. Donat[ - ], Donata, Donatus; Mócsy 1983, 107, s.v. Donatus; Pflaum et al. 1983, 78, s.v. Donatus, Donata; Solin et Salomies 1994: 325, s.v. Donatus; Ló´rincz 1999, 107, 216, s.v. Donatvs; Minkova 2000, 156, s.v. Donatus. 7 TLL, Vol. X.1, 232, s.v. pannum, Vol. X.1, 232-235, s.v. pannus; OLD, 1290, s.v. pannus (pannum); Cleland et al. 2007, 138. 8 TLL, Vol. VI.3, 2491, 1-4, s.v. haematinus; OLD, 783, s.v. haematinus; André 1949, 233, 235. 9 Ce nom est plutôt rare et n’est rencontré qu’occasionnellement dans la péninsule ibérique et en Pannonie, cf. TLL, Vol. II, 1249, s.v. Afrinus; Kajanto 1965, 160, 205; Mócsy 1983, 8, s.v. Afrinus; Abascal Palazón 1994, 261, s.v. Afrinus; Ló´rincz et Redó´ 1994, 50, s.v. Afrinus; Solin et Salomies 1994, 289, s.v. Afrinus; C’est aussi le surnom d’un sénateur, M. Annius Afrinus, dont la carrière sénatoriale s’est déroulée depuis le règne de Claude jusqu’à celui de Vespasien, PIR A n. 630. 10 Silindus semble être un hapax mais le nom pourrait vraisemblablement être celtique. En effet, il est composé de deux thèmes apparaissant dans les noms celtiques, sil- (sillo-, sil(l)i-) et indu-, cf. Evans 1967, 112; Degavre 1998, 379, s.v. silo-; Delamarre 2003, 273, s.v. silo-; Meid 2005, 286-287; Delamarre 2007, 223, 232. 11 OLD, 1990, s.v. tunica; Wild 1968, 193; Cleland et al. 2007, 200-202. 185 Le rôle des étiquettes de plomb dans le travail du textile à Siscia excessif pour une seule tunique. Serait-il plutôt question du poids de la matière tinctoriale nécessaire pour teindre la tunique? Le nom d’une femme, Ca(n)dida,12 se trouve sur l’autre face (à moins que ce ne soit aussi un terme de couleur ?), ainsi que le prix, 7 deniers. L’étiquette inv. 12989 (Fig. 1, 4): droit RIIG . VL.VS SVCCIISSVS revers TV IIM I XI S Regulus Successus tv(nica) (ha)em(atina) una denarium unum semissem Cette inscription mentionne apparemment aussi une tunique de couleur rouge sang, tv(nica) (ha)em(atina) una, d’une valeur d’un denier et demi. Regulus13 Successus14 semble être un pérégrin porteur d’un double idionyme,15 à moins qu’il ne soit question de deux individus. Le dernier exemple que je compte présenter pour cet adjectif de couleur est l’inscription sur l’étiquette inv. 12947 (Fig. 1, 5): droit CARVA PA IIM XI S revers raturé Carva pa(nnum) (ha)em(atinum) (voir aussi les autres propositions ci-dessous) denarium unum semissem Le revers de cette étiquette est raturé mais toutes les informations nécessaires se trouvent sur l’autre face: le nom d’une femme, vraisemblablement d’origine illyrienne au sens large du terme,16 l’abréviation désignant le produit ainsi que le prix, 1 denier et demi. L’abréviation peut être interprétée de différentes manières mais il fait peu de doute qu’il s’agit d’un produit textile. On peut proposer comme lecture pa(nnum) (ha)em(atinum), pa(enula)17 (ha)em(atina), pa(lla)18 (ha)em(atina), pa(llium)19 (ha)em(atinum), voire aussi pa(lliolum)20 (ha)em(atinum) mais quoi qu’il en soit, j’estime que le vêtement ou l’étoffe en question était de couleur rouge. Bien que cette couleur semble avoir été plutôt populaire à Siscia, à en juger d’après les étiquettes, elle n’est certainement pas la seule à être mentionnée dans les inscriptions. D’autres teintes du rouge apparaissent aussi sur les étiquettes. Ainsi, on trouve l’adjectif ferrugineus, signifiant vraisemblablement rouge-brun ou rouge sombre,21 sur plusieurs étiquettes, comme par exemple inv. 12326 (Fig. 1, 6): droit F.IIR.V.G . IN. P.A.N.V.M . revers XS fer(r)ugin(eum) pan(n)um denarii semissem Bien que l’inscription soit difficilement lisible et malgré les traces d’inscriptions antérieures, on distingue les mots fer(r)ugin(eum) pan(n)um. Cette étoffe coûtait un demi-denier ou 2 sesterces, bien évidemment au cas où le prix sur l’autre face se rapporte à cette inscription, ce qui n’est pas absolument certain vu l’état de l’étiquette. On trouve sur d’autres étiquettes les abréviations FER et FE qui désignaient vraisemblablement la même couleur. Une inscription semble indiquer deux couleurs différentes (inv. 12379) (Fig. 1, 7): 12 Candidus est un surnom et un idionyme très répandu, cf. TLL, Vol. Onom. 2., 133-135, s.v. Candidus; Mócsy 1959, 168; Barkóczi 1964: 295, 308; Kajanto 1965, 64, 227; Alföldy 1969, 170; Mócsy 1983, 64, s.v. Candidus; Mócsy 1984, 216; Abascal Palazón 1994, 315, s.v. Candida, Candidus; Solin et Salomies 1994: 308, s.v. Candidus; Ló´rincz 1999, 30-31, 213, s.v. Candidvs; Minkova 2000, 130-131, s.v. Candida, Candidus. 13 Ce nom est assez rarement attesté dans les inscriptions. Ce n’est que dans les provinces rhénanes et en Bretagne que les occurrences sont un peu plus fréquentes et on peut supposer que c’était dans la plupart des cas un nom d’assonance celtique, cf. Barkóczi 1964, 322; Kajanto 1965, 316-317; Mócsy 1983, 242, s.v. Regulus; Solin et Salomies 1994, 390, s.v. Regulus; Ló´rincz 2002, 25, 193, s.v. Regulus; Delamarre 2007, 152. 14 Le surnom et idionyme Successus n’est pas un nom rare, il est attesté dans la plupart des provinces mais c’est surtout dans le Norique qu’il semble avoir été particulièrement populaire. C’est aussi un nom courant en Narbonnaise, en Italie du Nord (plutôt parmi les esclaves et les affranchis) ainsi que dans la péninsule ibérique. C’est bien un nom latin mais on peut le qualifier de nom latin à fréquence celte, cf. Mócsy 1959, 17, 191; Barkóczi 1964, 325; Kajanto 1965, 18, 93, 96, 356; Lochner-Hüttenbach 1965, 36; Alföldy 1969, 302; Alföldy 1977, 258; Mócsy 1983, 276, s.v. Successus; Mócsy 1984, 216; Abascal Palazón 1994, 516-517, s.v. Successa, Successus; Solin et Salomies 1994, 409, s.v. Successus; Ló´rincz 2002, 97, 196, s.v. Svccessvs. 15 Dondin-Payre 2001, 273-283. 16 Mayer 1957, 181; Katic̀´ić 1963, 265-266; Alföldy 1969, 172; Mócsy 1983, 69, s.v. Carvus; Ló´rincz 1999, 39, s.v. Carvvs. 17 TLL, Vol. X.1, 68-70, s.v. paenula; OLD, 1282, s.v. paenula; Kolb 1973, 69-116; Roche-Bernard 1993, 25-26; Croom 2000, 53; Cleland et al. 2007, 135-136. 18 TLL, Vol. X.1, 119-121, s.v. palla; OLD, 1284, s.v. palla; Cleland et al. 2007, 136-137. 19 TLL, Vol. X.1, 133-137, s.v. pallium; OLD, 1285, s.v. pallium; Wild 1968, 191-192; Cleland et al. 2007, 137. 20 TLL, Vol. X.1, 132-133, s.v. palliolum; OLD, 1285, s.v. palliolum. 21 TLL, Vol. VI.1, 575, s.v. ferrugineus; OLD, 691, s.v. ferrugineus; Blümner 1912, 258; André 1949, 105-111. 186 Ivan Radman-Livaja droit PVRPV RIIVM revers F II R S.A.CVM XIII S purpureum fer(rugineum) sagum denarios tres semissem quadrantem Le mot purpureum n’est pas abrégé et il se rapporte vraisemblablement au mot sagum22 apparaissant sur l’autre face. L’abréviation FER désigne peut-être l’adjectif ferrugineum. Il n’est d’ailleurs pas exclu qu’il soit question de deux sayons sur cette étiquette, un de couleur pourpre et un autre de couleur rouge. Les prix sur les étiquettes de Siscia comprennent couramment un signe composé de trois tirets horizontaux superposés, avec celui du milieu généralement placé un peu plus à droite ( ). C’est un signe numérique courant représentant 1/4 (quadrans)23 et tout comme dans le cas du s(emis), c’est vraisemblablement une fraction du denier (donc 1 sesterce ou 4 as) et non une pièce de monnaie (1/4 d’un as). Ainsi, S représenterait 3/4 (Cagnat 1914, 33). Par exemple, une abréviation comme X S se traduirait par denarii semissem quadrantem, l’équivalent de 3 sesterces (ou 12 as), X I par denarium unum quadrantem ou 1 denier et un sesterce, X II S équivaudrait à 2 deniers et 3 sesterces (denarios duos semissem quadrantem), et ainsi de suite. Dans le cas présent, le prix de 3 deniers et 3 sesterces n’est certes pas excessif mais il n’est pas bon marché non plus et il n’est donc pas exclu qu’il se rapporte à deux pièces de vêtement. Bien que parfois non abrégé, l’adjectif purpureus (OLD, 1523-1524, s.v. purpureus; André 1949, 90102) apparaît généralement sur les étiquettes de Siscia comme l’abréviation PVR ou PVRP. Ces abréviations sont très courantes mais il est peu probable qu’il s’agissait vraiment de la pourpre. Vu les prix, nous n’avons aucune raison de supposer que les teinturiers de Siscia œuvraient avec des matières tinctoriales très coûteuses et la teinture au murex est certainement exclue. Le terme purpureus sur ces étiquettes désignait vraisemblablement une teinte du rouge proche de la pourpre. En effet, cet adjectif a aussi le sens de «semblable à la pourpre».24 On peut citer quelques exemples comme l’étiquette inv. 13065 (Fig. 1, 8): droit MARCI VALIIRI COLLEGA revers PAN PVR Marci Valeri(i) collega ou Marci(i) Valeri(i) collega pan(num) pur(pureum) On ne saura probablement jamais rien du collègue de Marcus Valerius, mais ce dernier était certainement un citoyen, portant vraisemblablement les duo nomina première manière.25 Néanmoins, il n’est pas exclu que nous ayons en fait affaire au citoyen Marcius Valerius, un porteur des duo nomina seconde manière.26 Aucun prix n’est indiqué mais il est assez probable que l’abréviation PAN PVR désigne une étoffe de couleur pourpre, pan(num) pur(pureum). L’inscription sur l’étiquette inv. 12695 mentionne vraisemblablement un vêtement de la même couleur (Fig. 1, 9): droit SPIIRAT VS revers CLAM PVR XVI Speratus c(h)lam(is) pur(purea) denarios six L’individu dont il est question sur cette étiquette porte un nom unique, Speratus,27 ce qui nous inciterait plutôt à le considérer comme un pérégrin mais il est bien évidemment impossible d’en être certain. L’abréviation sur l’autre face désigne probablement un vêtement, c(h)lam(is) pur(purea), la chlamyde, l’équivalent en grec du mot paludamentum. Bien que d’origine grecque, ce terme était néanmoins fréquemment employé par les auteurs latins.28 Le prix de 6 22 OLD 1679, s.v. sagum; Wild 1968, 226; Roche-Bernard 1993, 22-23; Croom 2000, 51; Cleland et al. 2007, 164; la graphie C pour G est vraisemblablement une erreur d’écriture, cf. Väänänen 1959, 53. 23 Volusii Maeciani distributio, 3, 51; Hultsch 1866, XXVII, 62, 67; Hultsch 1882, 148; Cagnat 1914, 33; Roman Imperial Coins I 1984, 3; Richardson 2004, 21; Depeyrot 2006, 32-34. 24 Wipszycka 1965, 152; Alfaro Giner 1994, 827-828; Bowman et Thomas 2003, 58, No. 596. 25 Cagnat 1914, 39; Mócsy 1959, 160; Barkóczi 1964, 295, 303; Alföldy 1969, 131-133; Mócsy 1983, 300, s.v. Valerius; Salomies 1987, 37-38, 114, 155-159, 186; Abascal Palazón 1994, 232-244, s.v. Valerius; Solin et Salomies 1994, 197, s.v. Valerius; Minkova 2000, 93-96; Ló´rincz 2002, 143-146, 199, s.v. Valerivs. 26 Schulze 1904, 188, 466; Mócsy 1959, 156, 195; Barkóczi 1964, 295, 302, 327; Lochner-Hüttenbach 1965, 38; Alföldy 1969, 97-98, 321; Mócsy 1983, 178, s.v. Marcius, 300, s.v. Valerius; Abascal Palazón 1994, 181-182, s.v. Marcia/-us; Solin et Salomies 1994, 112, s.v. Marcius; Ló´rincz 2000, 56-57, 176, s.v. Marcivs; Ló´rincz 2002, 142, 199, s.v. Valerivs; Minkova 2000, 65-66, 272. 27 Mócsy 1959, 21, 59-60, 191; Barkóczi 1964, 324-325; Kajanto 1965, 77, 297; Alföldy 1969, 300; Ben Abdallah et Ladjimi Sebai 1983, 44; Mócsy 1983, 272, s.v. Speratus; Pflaum et al. 1983, 88; Abascal Palazón 1994, 515, s.v. Sperata, Speratus; Solin et Salomies 1994, 406, s.v. Speratus; Minkova 2000, 256; Ló´rincz 2002, 91, s.v. Speratvs. 28 TLL, Vol. III, 1011-1013, s.v. chlamys; OLD, 310, s.v. chlamys, 331, s.v. clamis; Wild 1968, 192, 225-226; Croom 2000, 51; Cleland et al. 2007, 34. 187 Le rôle des étiquettes de plomb dans le travail du textile à Siscia deniers est loin d’être exorbitant mais il est tout de même supérieur à la moyenne des prix apparaissant sur les étiquettes de Siscia. Un autre vêtement, couramment attesté dans les inscriptions des étiquettes, le sayon est souvent associé à cette abréviation. Ainsi, l’étiquette inv. 12590 (Fig. 1, 10): droit ASIRO TA FVSCI · F revers SAG PVRP PX Asirota Fusci f(ilia) sag(a) purp(urea) (libra) p(ondo) decem L’inscription ne contient aucun prix, mais la marchandise en question, sag(um) purp(ureum), ainsi que le poids, (libra) p(ondo) X, ne semblent pas poser de difficultés d’interprétation. Le poids de 10 livres est peut-être un peu élevé pour un seul sayon et il n’est pas exclu que l’inscription se réfère en fait à plusieurs sayons –sag(a) purp(urea)– ou au poids de la matière tinctoriale indispensable pour la teinture. La femme mentionnée sur l’autre face, Asirota,29 fille de Fuscus,30 était très certainement une pérégrine. Les différentes nuances du rouge n’étaient pas les seules couleurs utilisées pour la teinture à Siscia. On trouve d’autres abréviations qui désignaient vraisemblablement toutes sortes de couleurs différentes. Ainsi, un adjectif pouvant désigner différentes nuances de la couleur bleu d’un textile, caeruleus,31 se cache probablement derrière les abréviations CAERVL, CAER ou CER. Voici comme exemple l’étiquette inv. 12979 (Fig. 1, 11): droit PRIMITI VO.S revers PAN CIIR XI S Primitivos pan(num) c(a)er(uleum) denarium unum semissem Si la lecture du nom ou des noms personnels pose beaucoup de difficultés (il n’est pas exclu que le nom Primitivos32 ait été suivi par un patronyme mais les ratures et la présence de plusieurs inscriptions mélangées nous empêchent de proposer une lecture plus certaine), l’inscription sur l’autre face ne pose pas de problèmes et on peut vraisemblablement l’interpréter comme pan(nvm) c(a)er(vlevm). Il semblerait qu’il soit question d’une étoffe blanche dans l’inscription de l’étiquette inv. 13119 (Fig. 1, 12): droit BRIIVCA SVRIO NIS revers PAN CAN Breuca Surionis pan(num) can(didum) Cette inscription mentionnant une pérégrine portant un nom indigène, Breuca33 Surionis,34 ne pose pas de difficultés de lecture. L’abréviation peut probablement être lue comme pan(num) can(didum).35 Les abréviations CAND et CAN ne sont pas très courantes mais elles sont tout de même attestées sur une quinzaine d’étiquettes de Siscia. Un adjectif de couleur rarement attesté dans les sources écrites, piperinus,36 semble avoir été plutôt 29 Ce nom, vraisemblablement féminin, semble être un hapax. Les thèmes assu- et roto- sont connus dans l’onomastique celtique et il n’est pas exclu que le nom Asirota soit de cette origine, cf. Delamarre 2003, 57, s.v. assu-, 262-263, s.v. roto-; Delamarre 2007, 211, 230. 30 Mócsy 1959, 55, 175; Barkóczi 1964, 313; Kajanto 1965, 64-65, 134, 228; Alföldy 1969, 208; Ben Abdallah et Ladjimi Sebai 1983, 32; Mócsy 1983, 131, s.v. Fuscus; Pflaum et al. 1983, 80; Mócsy 1984, 217, 220; Abascal Palazón 1994, 375-376, s.v. Fusca, Fuscus; Solin et Salomies 1994, 336, s.v. Fuscus; Ló´rincz 1999, 156-157, s.v. Fvscvs; Minkova 2000, 172. 31 Juv., 2.97 ; TLL, Vol. III, 103-107, s.v caeruleus; OLD, 253-254, s.v. caeruleus; André 1949, 162-171; Wild 1964, 264; Ancillotti 1993, 219-220. 32 Il est intéressant de noter la désinence celtique –os du nom latin Primitivus, cf. Mócsy 1959, 185; Barkóczi 1964, 321; Kajanto 1965, 14, 18, 74-75, 134, 290; Alföldy 1969, 271-272; Mócsy 1983, 232, s.v. Primitivus; Abascal Palazón 1994, 466, s.v. Primitiva, Primitivus; Solin et Salomies 1994, 383, s.v. Primiti(v)us; Ló´rincz 2000, 159-160, 181, s.v. Primitivvs; Minkova 2000, 235; Lambert 2003, 51-52. 33 TLL, Vol. II, 2169, s.v. Breuci et Breucus, nom.vir.; Krahe 1929, 24, s.v. Breucus; Mócsy 1959, 55, 75, 167; Barkóczi 1964, 307; Rendic̀´-Mioc̀´evic̀´ 1981, 26, 28-30; Mócsy 1983, 54, s.v. Breucus; Ló´rincz et Redó´ 1994, 319, s.v. Brevcvs. 34 Surio, tout comme Surus, un nom auquel il est vraisemblablement apparenté, pourrait appartenir aussi bien à l’anthroponymie celtique qu’illyrienne de l’époque impériale. Il semble néanmoins avoir été nettement plus commun en milieu celtique, notamment dans le Norique. Il faut aussi préciser que dans certains cas ce nom pourrait être apparenté au nom Syrio, cf. Krahe 1929, 107; Mayer 1957, 325; Mócsy 1959, 192; Katic̀´ić 1963, 284; Alföldy 1969, 303, s.v. Surio, 305, s.v. Syrio; Mócsy 1983, 278, s.v. Surio, 279, s.v. Syrio; Ló´rincz 2002, 101, s.v. Svrio, 104, s.v. Syrio; Delamarre 2007, 175, s.v. Surio. 35 TLL, Vol. III, 239-240, s.v. candidus; OLD, 264-265, s.v. candidus; André 1949, 31-38; Ancillotti 1993, 211-212; Bowman et Thomas 2003, 58, n. 596. 36 TLL, Vol. X. 1, 2189, s.v. piperinus. 188 Ivan Radman-Livaja Fig. 3 (anvers et revers). Voir aussi Fig. 1, 13. commun dans les inscriptions sur les étiquettes de Siscia. Les occurrences sont nombreuses, le mot apparaît aussi parfois sans être abrégé mais on trouve généralement les abréviations PIPERI, PIPE et PIP. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que ce terme est attesté sur une étiquette de plomb car il apparaît aussi sur une étiquette de Trèves.37 À défaut d’analogies, l’interprétation de L. Schwinden, novellum piper, était parfaitement plausible à l’époque de la publication, mais je suis en faveur d’une autre lecture, un avis que je partage avec P. Weiss (1991, 218). En effet, les lettres qui suivent piper sont assez lisibles et ne semblent pas appartenir à une inscription antérieure. À en juger d’après le dessin et la photographie, la seconde ligne devrait plutôt être lue comme piperinum, vraisemblablement un adjectif. P. Weiss doute aussi de la lecture novel(l)u(m) et propose à la place le nom personnel au génitif Novelli. C’est possible mais je n’exclurai pas forcement l’adjectif novellum qui pourrait se rapporter à l’état de la marchandise (neuf, non usagé) tandis que piperinum pourrait être un terme de couleur comme cela semble être le cas sur les étiquettes de Siscia. Mais de quelle couleur s’agit-il? On aurait tendance à considérer l’adjectif piperinus comme une nuance grisâtre mais bien que cela ne soit pas invraisemblable c’est loin d’être certain. En effet, si le poivre moulu a une couleur grisâtre proche du noir, la couleur des grains de poivre ou plus précisément des baies varie selon leur degré de maturité. Il faut néan- 37 38 39 Schwinden 1983, 20-26; Schwinden 1985, 123-129. Isid., Etym., XIX, 10, 8. Observation personnelle du professeur J.P. Wild. moins mentionner que l’adjectif piperinus, quand il se rapporte à la couleur de la pierre, désigne une nuance blanchâtre parsemé de points noirs.38 Une telle couleur est peut-être difficilement concevable pour un vêtement de l’époque antique mais il me semble que la couleur grise serait la nuance la plus proche. Toutefois, on ne peut exclure une nuance de couleur brune voire même une couleur jaune obtenue avec de la gaude, le réséda des teinturiers (reseda luteola).39 On peut citer comme exemples quelques étiquettes, ainsi l’inv. 12908 (Fig. 1, 13 et 3): droit X £> IVLIA MAXIMI revers PAL PIP IIRINVM PI denarii quadrantem £ > Iulia Maximi pal(lium) piperinum ou pal(liolum) piperinum (libra) p(ondo) una Le prix apparaissant sur cette étiquette n’est pas facile à interpréter avec certitude. Un signe que l’on retrouve très souvent dans les prix, pratiquement toujours en dernière place, est un L stylisé coupé par une barre au milieu, un signe qui rappelle le signe actuel de la livre sterling, le £. Ce signe numérique n’est pas inconnu dans les inscriptions romaines et il est interprété généralement comme le signe du sesterce (Cagnat 1914, 34), parfois aussi comme celui de la se- Le rôle des étiquettes de plomb dans le travail du textile à Siscia muncia (dans ce cas il n’est pas systématiquement coupé par une barre au milieu).40 Malheureusement, aucune de ces deux valeurs ne semble correspondre à ce signe sur les étiquettes de Siscia. A. Mócsy l’avait déjà aperçu sur certaines des étiquettes de Siscia conservées dans le Musée national de Budapest et sans rentrer dans les détails, il l’a tout simplement interprété comme le signe du sesterce (Mócsy 1956, 102, cat. 3, 7, 14). Et pourtant, ces mêmes prix contiennent aussi le signe du denier. Si le sesterce était l’unité de compte, pourquoi mentionner le denier et vice versa? Le signe £ indiquerait-il une valeur de poids, la semi-once (semuncia), 1/24 d’une livre ou à peu près 13,5 g? C’est bien dans ce sens que ce signe est employé dans certains graffitis du Palatin mais il y apparaît toujours dans des inscriptions qui se rapportent clairement à des poids et non à des prix.41 Considérant le contexte des étiquettes de Siscia et le fait que nombre d’entre elles soit vraisemblablement lié au travail des foulons et des teinturiers, cette valeur pourrait-elle indiquer le prix à payer pour une semi-once de produit colorant? Cette hypothèse me paraît invraisemblable à plusieurs titres. Tout d’abord, quel aurait été l’intérêt de ne pas noter le prix total du produit ou du service exigé? Plus important encore, si la valeur des colorants était calculée à la semi-once, nous aurions des prix exorbitants quand on sait que la teinture par ébullition peut demander des dizaines de kilogrammes de matière tinctoriale ou, selon les recettes, jusqu’à 3kg de matière végétale tinctoriale pour teindre 1 kg de laine.42 Les valeurs qui apparaissent sur les étiquettes sont généralement comprises entre 1 et 3 deniers mais des prix plus élevés ne sont pas rares non plus. S’il fallait multiplier ces sommes par semionce de produit colorant, teindre un simple sayon ou une tunique (ou plutôt la laine nécessaire pour confectionner ces vêtements) pourrait coûter des centaines de deniers. Nous n’avons aucune raison de supposer que les teinturiers de Siscia œuvraient avec des matières tinctoriales aussi coûteuses et la teinture au murex, la plus chère, est certainement exclue. De toute façon, quand les poids sont indiqués sur les étiquettes de Siscia, ils sont toujours exprimés en livres –(libra) p(ondo), parfois non abrégé– et la seule fraction qui semble apparaître occasionnellement dans les valeurs de poids est le s(emis). Le signe £ serait donc vraisemblablement une fraction du denier mais on ne peut être certain de sa valeur exacte. Vu que c’est une fraction qui est tou- 40 41 42 43 44 189 jours placé derrière les signes s(emis) et , ce serait donc une fraction inférieure à 1/4 du denier. Il ne faut pas oublier que ces prix expriment des valeurs concrètes et surtout payables en espèces car à quoi bon indiquer des fractions qui ne correspondraient pas à des pièces de monnaie. Si 1/4 du denier correspond à un sesterce, à quelles pièces de monnaie pouvait correspondre le signe £? En fait, le choix est plutôt limité: un dupondius ou un as. Certes, il y avait aussi les divisionnaires de l’as, les petites pièces de cuivre, le semis et le quadrans, mais je doute que des pièces d’une aussi faible valeur aient été utilisées pour ce type de commerce. Le £ pourrait-il être interprété comme le dupondius? Il ne serait pas illogique qu’un dupondius apparaisse dans un prix après le sesterce mais ce n’est pas vraiment un argument. La sescuncia, ou 1/8 d’un as (dans le sens un entier de n’importe quel genre) est parfois indiqué comme un L stylisé avec un tiret à droite.43 Si ce tiret devient une barre au milieu du L, on obtient £ et avec une valeur de 1/8, cela correspond effectivement à un dupondius. D’ailleurs, Mommsen utilise justement le signe £ dans son édition du texte de Volusius Maecianus pour représenter la sescuncia. Selon Volusius Maecianus, dupundium hac nota scribas ac voces: sescuncia X S- (ou X £), nam sedecim sescunciae dupundium efficiunt (Volusii Maeciani distributio, 49). Il semblerait donc bien que le signe £ sur les étiquettes de Siscia puisse représenter un dupondius. Les propos de Volusius Maecianus sont un argument de taille en faveur de cette hypothèse mais faut-il nécessairement exclure la possibilité que le signe £ puisse représenter un as? Si l’on songe qu’avec la réforme de 91 av. J.-C. (ou 89 av. J.-C.), plus précisément la Lex Papiria, le poids de l’as (la pièce de monnaie) a été réduit à une semi-once,44 on peut se demander si le signe de la semuncia n’aurait pas pu servir pour désigner cette pièce de monnaie, ne serait-ce que pendant quelque temps? Néanmoins, il faut bien admettre que beaucoup de temps s’est écoulé entre 91 av. J.-C. et l’établissement de l’industrie textile à Siscia, même si l’on estime que les premières fullonicae et tinctoriae étaient actives dans la ville dès l’époque augustéenne (ce qui n’est d’ailleurs pas invraisemblable). Je suis pratiquement certain que le signe £ sur les étiquettes de Siscia désigne une fraction du denier qui correspondrait soit à un dupondius une hypothèse qui me paraît plus vraisemblable - soit à un as, mais à défaut d’analogies certaines, il n’est pas aisé d’énoncer un avis définitif. Hultsch 1866, XXVII-XXVIII, 128 (Tabula codicis Bernensis, 14), 130 (Tabula codicis Gudiani, 22); Cagnat 1914, 33. Väänänen 1970, 95, 193, cat. 183, 245, cat. 306, 246, cat. 307. Forbes 1956, 136; Roche-Bernard 1993, 113; Uscatescu 1994, 109-110. Hultsch 1866, XXVII; Hultsch 1882, 148; Cagnat 1914, 33; Maher et Makowski 2001, 390, 397. Crawford 1974, 75-78, 596, 610-611; Melville Jones 1990, 159-160, 284; Richardson 2004, 46; Depeyrot 2006, 23. 190 Ivan Radman-Livaja Le signe ressemblant à > n’est présent que sur cette étiquette. Vu que ce signe se trouve en dernière place, après le £, ce pourrait être un divisionnaire de l’as, peut-être un semis ou un quadrans mais selon l’ouvrage de Volusius Maecianus, il semblerait que dans ce cas précis le signe X £ > puisse désigner un as.45 Bien que le prix pose des difficultés d’interprétation (1 sesterce et 1 as, voire 1 sesterce, 1 dupondius et 1 semis ou 1 quadrans ?), il ne fait pas vraiment de doute que l’inscription mentionne une pérégrine, Iulia46 Maximi,47 et un vêtement que l’on pourrait interpréter comme un pallium piperinum ou un palliolum piperinum. Le poids, (libra) p(ondo) I, semble plutôt léger pour un tel manteau, même pour un palliolum et il faudrait peut-être envisager la possibilité que ce poids se réfère à la matière tinctoriale. Cette même couleur est vraisemblablement mentionnée sur l’étiquette 13054 (Fig. 1, 14): droit VALIIRIA CORPI revers BAN PIP X III Valeria Corpi ban(ata) pip(erina) denarios tres Cette inscription suit le modèle habituel, un nom personnel sur une face (ici une pérégrine, Valeria,48 fille de Corpus, au demeurant un nom très rare49) et des abréviations ainsi que le prix sur l’autre face. Dans le cas présent, on peut proposer comme lecture ban(ata)50 pip(erina). En plus des adjectifs de couleur facilement traduisibles, on trouve aussi des termes qui se rapportaient vraisemblablement à des couleurs ou du moins à la teinture mais que l’on ne peut pas définir avec certitude. Ainsi, sur l’étiquette 12944 (Fig. 1, 15): droit BANATA PICT.A revers raturé banata picta Il ne fait guère de doute qu’il soit question d’un vêtement coloré, voire brodé en couleur mais il est bien évidemment impossible d’en deviner la couleur exacte. L’adjectif pictus51 ne semble pas avoir été souvent utilisé sur les étiquettes de Siscia mais un terme revient très souvent. Les mots et les abréviations apparentés COR, CORT, CORTICI, CORTICIA, CORTICINA, CORTICIS sont attestés sur plus d’une centaine d’étiquettes. Vu que le mot corticis (génitif de cortex) apparaît à au moins une reprise, il semblerait que cette abréviation pourrait se rapporter aux écorces, employées parfois pour la teinture.52 Dans la tablette 596. de Vindolanda apparaît la mention saga corticia numero XV.53 Le texte de cette tablette de Vindolanda présente d’ailleurs un grand intérêt pour l’étude des plombs inscrits de Siscia, car on y trouve, dans le même contexte, l’abréviation M, qui pourrait indiquer une unité de mesure pour le textile. Des doutes subsistent quant à la signification exacte de l’adjectif corticia. Il s’agirait vraisemblablement d’une forme de l’adjectif corticeus (d’écorce).54 Certaines sources mentionnent des vêtements faits à partir de l’écorce, mais tous les auteurs s’accordent à dire que c’est une pratique confinée aux peuples primitifs. (Sen., Ep. 90, 16; Arn., Adversus Nationes 2, 66). Dans le contexte de Vindolanda, tout comme dans celui de Siscia, il semble très improbable que les gens aient porté des vêtements pareils, d’autant plus que les prix mentionnés semblent beaucoup trop élevés pour des manteaux de ce type. Selon Bowman et Thomas, cet adjectif pourrait désigner un tissu fait à partir (en partie ou en totalité) de fibres d’écorces. Dans son étude fondamentale sur la diversification ré- 45 Infra quam divisionem sequitur alia quaedam subdivisio, notas aeque et propria vocabula habens. Quare si ad denarium rationem conficias, assem hac nota scribas ac voces: semuncia sicilicus X S > ; semunciae enim sedecim et sicilici sedecim assem efficiunt. Volusii Maeciani distributio, 48; Hultsch 1866, 67. 46 Mócsy 1959, 177; Barkóczi 1964, 315; Alföldy 1969, 224; Ben Abdallah et Ladjimi Sebai 1983, 35, s.v. Iulius, Iulia; Mócsy 1983, 154, s.v. Iulius; Pflaum et al. 1983, 81, s.v. Iulius, Iulia; Mócsy 1984, 216; Ló´rincz 1999: 200-201, s.v. Ivlivs; Minkova 2000, 188. 47 Mócsy 1959, 181; Barkóczi 1964, 318; Kajanto 1965, 29-30, 71-72, 74, 101, 104, 133, 275-276, 294; Lochner-Hüttenbach 1965, 29; Rendic̀´-Mioc̀´evic̀´ 1965, 101-110; Alföldy 1969, 242-245; Ben Abdallah et Ladjimi Sebai 1983, 37; Mócsy 1983, 183, s.v. Maximus; Pflaum et al. 1983, 83; Mócsy 1984, 210, 216; Abascal Palazón 1994, 421-424, s.v. Maxima, Maximus, Maxsima/-umus, Maxsuma, Maxsumus, Maxuma, Maxumus; Solin et Salomies 1994, 361, s.v. Maximus; Ló´rincz 2000, 70-72, 177, s.v. Maximvs; Minkova 2000, 208-210. 48 Mócsy 1959, 195; Barkóczi 1964, 295, 327; Lochner-Hüttenbach 1965, 38; Alföldy 1969, 321; Mócsy 1983, 300, s.v. Valerius; Minkova 2000, 272; Ló´rincz 2002: 142, 199, s.v. Valerivs. 49 Le nom Corpus ne semble pas avoir été attesté jusqu’à maintenant à l’exception d’une inscription africaine, cf. CIL VIII 19914; TLL, Vol. Onom. 2, 652, s.v. Corpus; Il n’est pas impossible que ce soit un nom local, peut-être assonant, car un surnom avec la même racine, Corpio, a été répertorié en Dalmatie, cf. CIL III 1798, Narone; TLL, Vol. Onom. 2, 652, s.v. Corpio; Alföldy 1969, 181, s.v. Corpio; Ló´rincz 1999, 79, s.v. Corpio. 50 TLL, Vol. II, 1714, 71-73, s.v. banata; Wild 1968, 228; Lauffer 1971, 157-158 (19. 55, 57), 267; Giacchero 1974, 178-179 (19. 55, 57). 51 TLL, Vol. X.1, 2084, s.v. pictus; OLD, 1377, s.v. pictus. 52 Forbes 1956, 122-123; Roche-Bernard 1993, 106, 109. 53 Bowman et Thomas 2003, 16, 55, 57, 596.12-13. 54 TLL, Vol. IV, 1071, s.v. corticeus; OLD, 451, s.v. corticeus. Le rôle des étiquettes de plomb dans le travail du textile à Siscia gionale du latin, J.N. Adams suggère, avec comme analogie un texte médiéval, que cet adjectif pourrait signifier «tanné» et qu’en conséquence le syntagme saga corticia pourrait désigner des manteaux en cuir tanné (Adams 2007, 606-609). Les écorces de différents arbres étaient régulièrement utilisées comme produits tannants par les corroyeurs romains55 et bien que cette hypothèse ne soit pas invraisemblable, je suis plus enclin à considérer qu’à Vindolanda et Siscia cet adjectif désigne une sorte de teinture pour vêtements textiles. Il aurait pu être un terme générique désignant tous les colorants à base d’écorces mais il aurait peut-être aussi pu désigner une couleur spécifique. Il n’est d’ailleurs pas exclu que ce terme de couleur pourrait signifier «de la couleur de l’écorce»,56 dans ce cas vraisemblablement une nuance brunâtre. La question demeure donc si c’est une couleur obtenue artificiellement, c’est-à dire grâce à une matière tinctoriale à base d’écorces ou simplement une nuance naturelle de la laine. Je ne citerai que deux exemples: inv. 12886 (Fig. 1, 16) droit IVCVNDA GANIA SAGA revers DVO CORTICIA. X IIII Iucunda Gania saga duo corticia denarios quattuor L’inscription mentionne une femme, peut-être une citoyenne si l’on accepte l’hypothèse d’une inversion de places dans la dénomination (Gania57 Iucunda58 ?), et deux sayons (teints ?), saga duo corticia, coûtant 4 deniers. L’inscription sur l’étiquette 12899 mentionne une femme, Domitia,59 et deux petits manteaux, palliola corticia duo, coûtant juste deux sesterces (Fig. 1, 17): droit DOMI TIA X S Domitia denarii semissem revers PALLIOL A CORTI CIA. II palliola corticia duo 191 Cet adjectif est peut-être aussi présent sur une étiquette de Trèves que l’on avait cru destinée à être attachée à un sac ou à une caisse contenant des plaques de liège (Schwinden 1985, 134-137). Toutefois, la lecture du mot cortex semble douteuse, comme cela a déjà été remarqué par P. Weiss (1991, 219). Il est vrai que cette interprétation était parfaitement acceptable au moment de la publication mais les trouvailles de Vindolanda et Siscia pourraient indiquer une autre possibilité. Tout comme Weiss, je serais plus en faveur de la lecture corticv. car il est vraisemblablement plutôt question de l’adjectif corticeus ou d’une variante vulgaire de cet adjectif. Si leur emploi dans l’industrie textile ainsi que dans le travail des foulons et des teinturiers ne semble pas faire de doute, le rôle exact que jouaient ces étiquettes n’est pas forcement évident. Elles étaient certainement destinées à être attachées à la marchandise, comme en témoignent les perforations mais à quel but? Les noms personnels seraient-ils les noms des destinataires, c’est à dire des clients ou les noms des fabricants? La première hypothèse me semble plus vraisemblable car s’il était question de fabricants, on s’attendrait à voir certains noms apparaître plus ou moins régulièrement, ce qui n’est pas le cas. A quelques exceptions près, quasiment tous les individus mentionnés sur les étiquettes de Siscia –et ils sont nombreux (près de 900)– portent des noms différents. En conséquence, je serais plus enclin à considérer ces gens comme des clients que comme des individus issus d’un cercle restreint de professionnels. Evidemment, vu que ces étiquettes peuvent être datées selon différents critères dans un créneau chronologique plutôt large, c’est à dire au 1er et 2ème siècle, voire aussi dans les premières décennies du 3ème siècle, il n’est pas exclu qu’il soit effectivement question de tailleurs, de foulons et de teinturiers travaillant à différentes époques mais cette hypothèse reste dans le domaine de la conjecture. On peut d’ailleurs se demander quel aurait été l’intérêt de noter sur l’étiquette le nom du tailleur ou du foulon qui s’était occupé du produit? Un patron aurait tout simplement pu noter cela dans ses registres. Il est vrai que les tailleurs (excisor, sutor) sont mentionnés sur les étiquettes de Magdalensberg, ou plus précisément le salaire qui Blümner 1912, 267; Leguilloux 2004, 27-31. «bark coloured», observation personnelle du professeur Wild. Durant la discussion qui a suivi cette communication à Naples, l’avis général était qu’une couleur brunâtre pouvait être obtenue à partir d’écorces (cf. Roche-Bernard 1993, 108-109) bien que l’intérêt de ce procédé ou plutôt ses avantages par rapport aux autres types de teinture demeure un mystère. 57 AE 1988, 392; Solin et Salomies 1994, 85, s.v. Gannius, 483, s.v. Ganius. 58 Mócsy 1959, 55, 177; Barkóczi 1964, 315; Kajanto 1965, 72-73, 283; Alföldy 1969, 223; Ben Abdallah et Ladjimi Sebai 1983, 35; Mócsy 1983, 154, s.v. Iucundus; Pflaum et al. 1983, 81; Solin et Salomies 1994, 346, s. v. Iucundus; Ló´rincz 1999, 199 223, s.v. Iucundus; Minkova 2000, 186-187. 59 TLL, Vol. Onom. 3, 217-227, s.v. Domitius; Mócsy 1959, 154, 172; Barkóczi 1964, 294, 301, 310; Alföldy 1969, 82, 190; Ben Abdallah et Ladjimi Sebai 1983, 13, 29; Mócsy 1983, 106, s.v. Domitius; Pflaum et al. 1983, 62, 78; Mócsy 1984, 217; Solin et Salomies 1994, 69, s.v. Domitius; Ló´rincz 1999, 105-106, 216, s.v. Domitivs; Minkova 2000, 46, 155. 55 56 192 leur est dû est indiqué dans les inscriptions, mais ces individus ne sont jamais explicitement nommés.60 Néanmoins, on ne doit pas oublier que sur un certain nombre d’étiquettes de Kalsdorf61 et de Siscia le terme fullo suit des noms personnels et il est très probable que ces individus aient été des foulons. Ce pourrait être un argument en faveur de l’hypothèse selon laquelle les individus mentionnés sur les étiquettes auraient fait partie des professionnels de l’industrie textile mais d’autres métiers n’ayant rien à voir avec la production textile sont aussi parfois indiqués avec les noms personnels.62 Il n’est donc pas exclu que la mention du métier soit tout simplement une indication distinctive servant à ne pas confondre quelqu’un avec un homonyme.63 De toute façon, il faut bien admettre que les mentions de métiers, y compris ceux de l’industrie textile restent plutôt rares sur les étiquettes64 et il est difficile de prétendre que ce fût une information essentielle dans ce genre d’inscriptions. On ne peut certainement pas exclure la possibilité qu’au moins certaines des étiquettes indiquent les noms des professionnels en charge de la marchandise ou de la commande –c’est, à mon avis, assez vraisemblable– mais j’estime que la plupart des individus mentionnés sur les étiquettes étaient des clients. Si ce sont vraiment des noms de clients, pourquoi sont-ils indiqués? La marchandise était-elle envoyée aux clients habitant loin des centres de production? L’intérêt de connaître le nom du destinataire de la marchandise aurait été évident dans ce cas. L’idée est tentante, la ville de Siscia, en plus d’être un grand centre urbain, était aussi un important carrefour routier ainsi qu’un grand port fluvial et l’exportation des biens produits dans la ville ne posait certainement pas de problèmes. Pourtant, si l’hypothèse de l’exportation des produits de l’industrie textile de la ville, ne serait-ce qu’au niveau régional, n’est pas invraisemblable, leur vente aux particuliers habitant hors Siscia me semble peu crédible. En effet, les quantités mentionnées sur les étiquettes sont trop petites, les prix sont bas et il est évident que les clients ne sont certainement pas des Ivan Radman-Livaja grossistes. Vendre, envoyer et transporter, y compris à des distances très importantes, des ballots de laine ou des vêtements en plus ou moins grande quantité à des grossistes, voire même à des détaillants n’a rien d’extraordinaire65 –et on sait bien que cela se pratiquait régulièrement dans l’Empire romain66– mais envoyer une tunique ou deux sayons ne coûtant que quelques deniers à un client habitant loin du centre de production ou du point de vente me parait un concept de notre époque, incompatible avec le mode de commerce en usage dans le monde antique et je vois mal comment ce type de commerce aurait pu être rentable. Et pourtant, ces étiquettes semblent bien indiquer des noms de clients. Si les produits ne leur étaient pas envoyés, pour quelle raison notait-on leurs noms? On peut supposer que certaines étiquettes auraient pu servir comme une sorte d’aide-mémoire67 pour des petits fabricants qui travaillaient pour des grossistes en textile ou exécutaient des commandes passées par des particuliers dans la ville de Siscia. Attacher une étiquette mentionnant tous les détails importants à l’étoffe confiée par un client pour fabriquer un vêtement n’est pas forcement inutile mais est-ce vraiment le moyen le plus simple et le plus commode pour un tailleur de garder trace des commandes et des souhaits de ses clients? Ce n’est certainement pas une hypothèse à exclure d’autant plus que les tailleurs sont mentionnés sur les étiquettes de Magdalensberg mais il faut préciser que R. Egger considérait que ces tailleurs étaient juste chargés de raccommoder les vêtements usagés après le passage chez le foulon ou de coudre des vêtements neufs à partir d’étoffes foulées. Même s’il n’a pas élaboré plus en détail cette idée, il ne doutait pas que ces étiquettes avaient un rapport avec le travail des foulons (Egger 1967, 206-209). Justement, l’hypothèse qui me semble la plus vraisemblable est que de nombreuses étiquettes de Siscia étaient tout simplement destinées à être attachées à des vêtements ou des étoffes déposés chez un foulon pour être nettoyés, voire chez un teinturier pour être teints ou remis à neuf. 60 Les individus nommés sur ces étiquettes seraient selon R. Egger des patrons mais leurs noms ne sont jamais associés aux termes sutor et excisor et quelle que fût leur véritable fonction, il semble certain que ces personnes ne sont pas les tailleurs dont il est question dans les indications de prix sur le revers des étiquettes, Egger 1967, 197-202, 206-208. 61 Römer-Martijnse 1990, Kat. 5, 24, 29, 41, 46 (?), 70, 77, 86, 87 (?). 62 On trouve ainsi sur les étiquettes de Kalsdorf un fabricant de courroies (Römer-Martijnse 1990, Kat. 10) et un tailleur de pierres (Römer-Martijnse 1990, Kat. 40), peut-être aussi un serrurier (Römer-Martijnse 1990, Kat. 20). Les étiquettes de Siscia mentionnent apparemment, en plus de quelques foulons, des corroyeurs, un herboriste, un tailleur, quelques esclaves et des assistants (adiutores) dont le rôle exact n’est pas défini. 63 En mentionnant un tel détail il était vraisemblablement plus facile d’identifier des porteurs de noms communs comme par exemple Candidus lapidarius à Kalsdorf ou Valentinus (h)erbarius à Siscia.. 64 Des indications éventuelles de métiers ou de fonctions sont attestées sur à peine 2% des inscriptions sur les étiquettes de Siscia. 65 L’armée était aussi un grand consommateur de produits textiles, cf. Jones 1960, 186-187; Wild 2002, 31-32. 66 De nombreux ouvrages traitent du transport et de la distribution des marchandises, y compris des produits textiles, dans l’Empire Romain, il suffit de citer quelques publications avec une abondante bibliographie: Frayn 1984, 162-172; Bender 1989, 108-154; Laurence 1998, 129-148; Paterson 1998, 149-167; Wild 1999, 29-37; Wild 2000, 209-213; Vicari 2001, plus particulièrement 70-73, 86-91; Tilburg 2007, 68-76; cf. aussi The Cambridge Economic History of the Greco-Roman World, plus particulièrement Kehoe 2008, Morley 2008 et Jongman 2008. 67 Cette appellation me semble plus adéquate que des termes comme reçu ou quittance car ces étiquettes peuvent difficilement être considérées comme des documents ayant un caractère formel ou officiel, cf. Egger 1967, 196. 193 Le rôle des étiquettes de plomb dans le travail du textile à Siscia être un bon moyen pour ne pas mélanger ou perdre les effets de ses clients. Il est d’ailleurs vraisemblable que les étiquettes mentionnant des vêtements et des étoffes concernaient principalement les foulons parce que les teinturiers travaillaient essentiellement sur la laine, après le cardage mais avant le filage et le tissage, car le filé et le tissu absorbent beaucoup plus difficilement les colorants.69 Cependant, beaucoup d’étiquettes de Siscia semblent indiquer la couleur des vêtements mentionnés dans les inscriptions et on peut supposer que ce détail avait son importance. Il n’est pas exclu que les inscriptions qui précisent la couleur des vêtements étaient destinés aux teinturiers qui s’occupaient de la remise à neuf de vêtements usagés décolorés, les offectores.70 Ce pouvait aussi être une information pratique pour un foulon, ne serait-ce que pour lui faciliter l’identification des étoffes et des vêtements avant de les remettre aux clients. Les inscriptions sur certaines étiquettes apportent un argument significatif en faveur de cette hypothèse. En effet, quelques étiquettes de Siscia portent clairement l’inscription tesseram perdidi. En voici une, l’inv. 12191 (Fig. 1, 18): Fig. 4 (anvers et revers). Voir aussi Fig. 1, 18. Si les différents aspects du travail des foulons et teinturiers ainsi que les procédés de teinture des étoffes et les méthodes de blanchissage et de nettoyage des vêtements dans le monde romain sont relativement bien connus grâce aux sources écrites et à l’archéologie,68 il faut bien admettre que de nombreux détails nous échappent. Il n’est pas seulement question de détails techniques mais aussi de choses purement pratiques. Ainsi, ne devrait-on pas se poser la question comment faisait un foulon ou un teinturier pour rendre au client le vêtement ou l’étoffe qui lui avait été confié? Attacher une étiquette avec le nom de la personne, le service exigé et le coût de l’opération semble droit LIICA NA revers TIISIIRAM PIIRDIDI Lecana tes(s)eram perdidi ou perdidi(t) Dans ce cas précis, il est assez probable que Lecana71 ne fut pas une cliente mais l’employée d’un atelier de foulons, voire d’une teinturerie, qui s’est retrouvée avec un vêtement sur les bras dont elle ne savait que faire, ignorant le nom du propriétaire et le service demandé par ce client. Et tout cela parce que la petite étiquette –tessera, comme elle l’appelle– sur laquelle était notées toutes ces informations avait été égarée. En attendant le retour du propriétaire qui saurait reconnaître son bien, ce vêtement ou cette étoffe 68 Il suffira de citer quelques ouvrages importants traitant de l’industrie textile dans le monde romain, notamment en ce qui concerne le foulage et la teinturerie: Blümner 1912, 225-259; Forbes 1956, 81-148, Wipszycka 1965, 129-156; Wild 1970, 79-86; Römer-Martijnse 1990, 235-263; Roche-Bernard 1993, 103-124; Alfaro Giner 1994; Uscatescu 1994; De Ruyt 2001, 185-191, Vicari 2001, 1-8; Cardon 2003. 69 Blümner 1912, 229; Forbes 1956, 131-134; Wipszycka 1965, 145-146; Wild 1970, 80; Moeller 1976, 13; Roche-Bernard 1993, 103104 (l’auteur précise que la teinture pouvait aussi intervenir après le travail des foulons dans le cas des étoffes de couleur unie). 70 Blümner 1912, 228; Forbes 1956, 141; Moeller 1973, 368-369; Moeller 1976, 14; Uscatescu 1994, 93. 71 Le nom Lecana ne semble pas avoir été répertorié auparavant mais il existe des noms proches qui pourraient éventuellement servir d’analogies. Parmi les noms latins on trouve ainsi le gentilice Laecanius, très répandu en Italie du Nord (Schulze 1904, 113, 186, 358, 396, 552; Alföldy 1969, 91; Mócsy 1983, 157, s.v. Laecanius; Solin et Salomies 1994, 100, s.v. Laecanius; Ló´rincz 2000, 16, s.v. Laecanivs). A l’exception d’une autre étiquette de Siscia, le surnom Laecanus n’est pas attesté, mais les surnoms Laeca et Laecanianus, bien que très rares, existent en Italie (Kajanto 1965, 148; Solin et Salomies 1994, 348, s.v. Laeca, Laecanianus). Toutefois, la personne dont il est question sur cette étiquette est vraisemblablement une pérégrine et il n’est pas improbable que dans ce contexte son nom ne soit pas d’origine latine. Les noms Lecana et Lecanus pourraient éventuellement être apparentés à un nom comme Lic(c)ana, celui-ci certainement pannonien (CIL III 11051; RIU 542; Mócsy 1959, 178; Mócsy 1983, 164, s.v. Liccanus; Ló´rincz 2000, 26, s.v. Liccane; cf. aussi Krahe 1929, 66-67; Mayer 1957, 210-211; Katic̀´ić 1963, 284; Alföldy 1969, 230) et il n’est donc pas exclu que ces noms fassent partie du répertoire onomastique autochtone. De même, un lien avec un nom probablement celtique comme Lec(c)us nıest pas invraisemblable non plus (Mócsy 1983, 161, s.v. Leccus; Ló´rincz 2000, 21, s.v. Leccvs; Delamarre 2007, 115, s.v. Lecco, -us). 194 avait probablement était mis de côté avec cette étiquette provisoire. Comme toute hypothèse, celle-ci reste aussi à prouver mais il semblerait qu’un grand nombre d’étiquettes trouvées à Siscia se conforment au même modèle qui, du moins à mon avis, correspond assez bien à l’interprétation proposée. En tant qu’objets destinés à être attachés à des sacs, des ballots, des récipients ou des caisses, il est évident qu’elles pouvaient être utiles dans toutes sortes d’activités commerciales et industrielles72 mais dans le cas précis d’étiquettes mentionnant des étoffes ou des vêtements, j’estime qu’elles étaient principalement utilisées par les foulons ainsi que les teinturiers (vraisemblablement les offectores) pour marquer la propriété de leurs clients et noter les services exigés par ces derniers. Bibliographie ABASCAL PALAZÓN (1994): J.M. Abascal Palazón, Los nombres personales en las inscripciones latinas de Hispania, Murcia. ADAMS (1995): J.N. Adams, «The Language of the Vindolanda Tablets: an Interim Report», JRS 85, 86-134. ADAMS (2007): J.N. Adams, The Regional Diversification of Latin, 200 BC – 600 AD, Cambridge. ALFARO GINER (1994): C. 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